16 août 2015

Médecin de campagne, une vie

GEORGES VIEILLEDENT, "Médecin de campagne, une vie", Paris: Calmann-Lévy, 2014 


Cher Georges,

En parcourant les livres du rayon « cambrousse » de ma bibliothèque de quartier (oui, leur catalogue est très exhaustif), j’ai eu le plaisir de découvrir votre ouvrage qui, pour être tout à fait honnête, m’a beaucoup fait réfléchir à mon avenir.
En effet, j’envisageais de partir vivre à la campagne très prochainement et d’opérer un virage radical dans ma vie. Eh bien, pour être tout à fait franc, à l’instant où j’ai eu votre livre en main, j’ai senti fondre en moi le glaçage sucré de tous mes rêves d’avenir pour n’en conserver que le cœur tristement amer. Autrement dit : je ne compte plus poser un pied sur autre chose que de l’asphalte citadin.
Je ne saurais trop vous expliquer pourquoi ma réaction fut si radicale…
Tout d’abord, j’ai pensé à l’évidence et je me suis dit que mon rejet venait peut-être de votre nom. Même s’il est bien évident que vous n’en pouvez rien, il faut tout de même avouer que Georges Vieilledent, ça donne une sensation d’ennui dès la première lecture. Mais bon, passons.
Je me suis ensuite demandé si mon soudain rejet de la vie rurale ne venait pas de votre façon d’illustrer celle-ci. Enfin, je veux dire… entre le ciel gris, la nature moribonde, les clôtures à deux doigts de l’effondrement et l’absence totale de toute forme de vie animale, le cadre dans lequel vous vous promenez sur cette couverture semble être l’exact moyen terme entre la campagne et un sordide cimetière abandonné. Mais soit, passons encore.
Ensuite, ce serait mentir que de nier avoir aussi envisagé l’hypothèse de votre propre personne. Loin de moi l’idée de critiquer l’apparence des gens mais… enfin… Georges, sur toutes vos photos, pourquoi avoir choisi celle où vous semblez vous diriger d’un pas résigné vers une mort certaine ? Sans blague, si je voyais arriver un médecin à mon chevet avec cette expression qui est la vôtre, je le prierais de m’euthanasier avant même de m’asséner son diagnostic.
Au final, j’ai réalisé qu’aucun de ces détails ne constituait réellement un critère de dégoût. Je veux dire, aucun individuellement, bien sûr. Ma nouvelle hantise de la campagne vient en réalité du cumul de tous ces points, encore soulignés par l’effroyable fatalisme du titre choisi pour votre livre (« Médecin de campagne, une vie », vraiment ? On vous a séquestré dans une grange pour que vous ne puissiez vraiment pas vous enfuir en quête d’un soupçon de bonheur?).
Bref, je tiens donc à vous remercier, cher Georges, de m’avoir aidé à comprendre que ma véritable ambition n’était autre que de passer ma vie en ville, entre des murs de béton armé et dans l’odeur des pots d’échappement avec le bruit des travaux pour berceuse. Afin de vous rendre la pareille, je vous enverrai très prochainement une ordonnance pour une boîte d’antidépresseurs.

Avec toute ma reconnaissance,

Aymé di Camen (Paris)


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